Introduction:
Le contentieux du juge aux affaires familiales mérite, à plus d’un titre, que le magistrat s’y consacre par choix, la fonction nécessitant une implication “humaine” importante, à laquelle des magistrats sensibilisés apparaissent plus aptes.
Le contentieux de la famille est fortement touché par les réformes. De plus, ce contentieux se heurte au “quantitatif” face auquel les juges aux affaires familiales ont souvent du mal à répondre.
C’est un contentieux qui touche de près la vie des gens qui ont besoin de réponses rapides, or dans certains tribunaux les délais de traitement sont inacceptables et constituent, parfois, un véritable déni de justice.
Pour les juges aux affaires familiales, le souffle d’air doit et ne peut venir que du développement des modes de règlement amiable des différends familiaux et notamment de la médiation familiale.
Le législateur, en tout état de cause, cherche à baliser cette voie en incitant les justiciables à plus de responsabilité dans leurs conflits.
Et, par sa jurisprudence, sa réflexion avec tous les acteurs judiciaires, sa tenue de l’audience et sa force de conviction, le juge aux affaires familiales a pour tâche essentielle de convaincre les justiciables à s’engager dans cette voie.
Il est regrettable que ni à l’université, ni dans la justice, il n’y ait encore une vraie réflexion sur l’intérêt de l’application de la médiation familiale dans nombre de séparations douloureuses pour les parents et leurs enfants.
Certains universitaires ont toutefois une approche très pertinente.
Anne LEBORGNE, professeur de droit privé à la faculté d’Aix en Provence a pu dire:
“La médiation familiale permet aux parents de se créer leurs propres droits. Elle permet de concevoir le droit comme un outil, et non comme un combat”.
Les objectifs de la législation qui “gouverne” le droit de la famille
La loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale place sur un plan d’égalité chacun des parents, c’est la coparentalité. Elle garantit le maintien des liens entre les deux parents et leurs enfants après la séparation, et légalise la résidence alternée. Cette loi a centré la définition de l’autorité parentale sur l’intérêt de l’enfant. L’enfant a un droit à la parentalité, un droit à la coparentalité. De plus, la loi impose que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité (art 371-1 al 3 code civil).
La loi du 26 mai 2004 relative au divorce tend à apaiser les procédures et à favoriser un règlement amiable et plus responsable des conséquences de la rupture. Le législateur a pris conscience des effets qui se révèlent particulièrement négatifs pour les liens familiaux et les enfants.
La loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance est destinée à améliorer la prévention et le signalement des violences et maltraitances infligées aux mineurs. Elle édicte que tout mineur capable de discernement doit être entendu par le juge, dans une procédure le concernant, s’il en fait la demande (art 388-1 code civil).
Cette législation demande désormais aux praticiens, juges aux affaires familiales, juge des enfants, avocats, notaires de travailler dans un autre état d’esprit que par le passé, plus consensuel, et de moins en conflictuel, de manière à protéger l’enfant des conflits destructeurs. L’enfant, la protection de l’enfant, l’intérêt supérieur de l’enfant sont, à l’évidence, le fil rouge de ces dispositions législatives.
Le cadre juridique de la médiation familiale
Dans le cadre de la loi sur l’autorité parentale et de la loi sur le divorce, le législateur, pour atteindre les objectifs principaux de ces deux lois – coparentalité, apaisement des séparations et intérêt de l’enfant – a mis, à la disposition des justiciables et des acteurs judiciaires un outil: la médiation familiale.
La médiation civile a été instituée par la loi du 8 février 1995 et le décret du 22 juillet 1996. La médiation civile est insérée dans les articles 131-1 à 131-15 du code de procédure civile. Elle nécessite l’accord des deux parties. La médiation est un processus volontaire , elle ne peut pas être imposée.
Pour la justice familiale, le législateur a souhaité donner une place particulière et privilégiée à la médiation familiale.
C’est ainsi que la médiation familiale a été intégrée dans le code civil, alors que la médiation civile généraliste n’est incorporée que dans le code de procédure civile:
– d’une part, dans le cadre de la réforme de l’autorité parentale (art 373-2-10 code civil),
– d’autre part, dans le cadre de la réforme du divorce (art 255 1° et 2° code civil.
La médiation familiale, ceci est hautement symbolique de la volonté du législateur, est placée au premier rang des mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de tentative de conciliation.
La première question que doit, à l’évidence, poser le juge aux affaires familiales, après avoir entendu chacune des parties et réuni leurs avocats, est de savoir s’il y a lieu ou non à ordonner une médiation familiale ou à enjoindre les parties à rencontrer un médiateur familial pour une séance d’information.
Selon les voeux du législateur, la médiation familiale peut permettre d’appréhender la globalité des enjeux de la séparation, tant affectifs qu’économiques, qui sont étroitement liés.
“Un nouveau concept est né . On connaissait la médiation familiale au niveau personnel. A l’évidence, avec la loi de 2004, il y a la recherche d’une médiation patrimoniale.”
Philippe DELMAS – SAINT HILAIRE professeur de droit privé à la faculté de droit de Toulouse
Pendant l’instance, les époux peuvent passer des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce qui seront soumises à l’homologation du juge aux affaires familiales (art 268 code civil). Il est ainsi possible de conclure des conventions non seulement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, mais aussi sur la prestation compensatoire et la liquidation du régime matrimonial.
L’injonction à rencontrer un médiateur familial pour une séance d’information
L’ une des innovations introduites par la loi du 4 mars 2002 (art 373-2-10 3ème al. code civil) et celle du 26 mai 2004 (art 255 2° code civil) qui n’existe pas pour la médiation civile, réside dans la possibilité pour le jaf d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la mesure. Cette information est apportée gratuitement aux parties. Elle peut donner des résultats intéressants, à partir du moment où elle est effectuée par des médiateurs familiaux, diplômés d’Etat.
La médiation familiale demeure certes un processus volontaire, mais les justiciables ne peuvent s’engager valablement que s’ils connaissent le processus et les bienfaits de cette approche:
“Dire comme certains le prétendent qu’en incitant fortement à la médiation familiale, on porte atteinte à la liberté des personnes est un faux problème; en effet, quand on oblige les gens à porter une ceinture de sécurité, c’est pour protéger des vies.
Quand on enjoint des personnes à rencontrer un médiateur familial, c’est pour inciter les parents à déposer les armes pour protéger les enfants de conflits destructeurs”.
Danièle GANANCIA vice présidente tribunal de grande instance de Paris
Au regard de la pratique des tribunaux, l’injonction a été mise en place de plusieurs manières :
– soit par la permanence d’un médiateur familial, parallèlement à la tenue de l’audience du jaf,
Certains tribunaux ont conclu un accord avec la caisse d’allocations familiales pour que les associations subventionnées, dans le cadre de la convention de prestation de service, tiennent une permanence dans les locaux du tribunal de grande instance, les permanences des médiateurs non conventionnés étant financées par le conseil départemental d’accès au droit.
– soit par une injonction avant dire droit: une fois que le jaf a entendu les parties, celui ci préfère ne pas prendre de décision sur le fond et les enjoint à rencontrer un médiateur familial pour une séance d’information.
– soit par une injonction dans le cadre d’une décision, avec la prise de mesures provisoires,
– soit par une double convocation. Le décret n° 2010 – 1395 du 12 novembre 2010 entend, dans certains tribunaux dont la liste n’a toujours pas été établie, expérimenter la pratique de la double convocation qui permet au juge d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur familial avant même l’audience.
Les justiciables reçoivent deux convocations:
– d’une part, pour se rendre dans un premier temps devant un médiateur familial,
– d’autre part, pour se présenter devant le jaf.
Les conséquences de l’injonction sont intéressantes. Même si les parties n’acceptent pas d’engager un processus de médiation familiale après l’entretien d’information, il ressort que les renseignements donnés peuvent être considérés comme positifs.
En effet,
– d’une part, les parties savent qu’il peut y avoir une autre manière de régler un contentieux familial qu’en s’épuisant dans le conflit, et elles peuvent pour l’avenir y penser,
– d’autre part, l’information donnée peut aussi, inconsciemment ou non, faire comprendre aux parties qu’il ne faut pas radicaliser le conflit et qu’il faut négocier. Elles vont peut être trouver, sans faire appel à la médiation, à l’aide de leurs avocats ou par elles mêmes tout simplement, une voie moins conflictuelle. Cette information peut aider les parties à négocier, à prendre conscience qu’elles sont “condamnées” à négocier et à être moins dans le conflit.
Force est de constater que ce n’est pas en termes quantitatifs que le résultat de l’injonction doit être apprécié. L’injonction doit être évaluée en termes qualitatifs. L’injonction atteint son objectif en permettant en effet aux parties de réfléchir à une approche de leur séparation moins conflictuelle, et ce dans l’intérêt des enfants.
Le coût de la médiation
– L’entretien d’injonction à une séance d’information est gratuit.
– Si une partie bénéficie de l’aide juridictionnelle, le coût de la médiation est pris en charge par l’AJ, après discussion du coût par séance, par le jaf, le juge taxateur et le service de médiation familiale,
– si une partie ne bénéficie pas de l’AJ, le coût de la médiation est adapté aux revenus de chacun. Le tarif s’échelonne de 2 euros à 131 euros. Chaque participant paie sa part.
La pratique démontre que le coût de la médiation n’est pas un frein à son développement.
Parallèle entre le coût de l’ enquête sociale et celui de la médiation familiale
Très souvent, est ordonnée une enquête sociale, alors qu’une médiation familiale serait plus adaptée pour dénouer un conflit.
Il est vrai que pour le jaf, l’enquête sociale est plus facile à ordonner qu’une mesure de médiation familiale.
D’une part, le jaf peut ordonner une enquête sociale sans l’accord préalable des parties, alors que la médiation familiale est un processus volontaire, et d’autre part, les frais d’enquête sociale sont avancés par l’Etat, alors que sauf en cas d’aide juridictionnelle, les frais de la médiation sont pris en charge par chacune des parties dès qu’elle est ordonnée.
Toutefois, le jaf, les avocats et les parties ne doivent pas oublier que les frais d’enquête sociale ne sont qu’avancer par l’Etat, et que lors de la liquidation des dépens, les frais d’enquête sociale devront être liquidés. Les parties qui reçoivent l’avis de paiement sont surprises d’être obligées de régler des frais, et ce d’autant plus qu’elles n’ont pas été informées lors de la décision. Ces frais, trop souvent, réaniment le conflit quelque temps après la fin de la procédure.
Ordonner une enquête sociale est très souvent une solution de facilité, alors qu’en cas de conflit parental, le législateur a privilégié la médiation familiale.
Le magistrat ne doit jamais oublier qu’il est le protecteur des libertés individuelles. L’enquête sociale est une immixtion dans la vie des gens, alors que la médiation familiale, grâce notamment à la confidentialité, est protectrice des droits des parties qu’elle vise de plus à responsabiliser.
Le médiateur familial
Le métier de médiateur familial a été réglementé par le décret du 2 décembre 2003 et l’arrêté du 12 février 2004 relatifs à la création du diplôme d’Etat de médiateur familial.
Un arrêté du 19 mars 2012 a complété la formation du médiateur familial.
Il est important pour le juge aux affaires familiales de faire appel à des médiateurs familiaux diplômés.
Un conflit parental ne saurait s’apparenter aux autres types de contentieux. La dimension humaine est primordiale. Le jaf ne saurait traiter de la même manière un dommage ouvrage, un licenciement, et la séparation d’un couple, dont l’enfant est trop souvent l’enjeu.
Comme le dit Lisa PARKINSON, médiatrice familiale accréditée au Royaume Uni:
“Les personnes qui viennent en médiation sont très vulnérables. Nous avons tous et toutes une grande responsabilité de leur offrir le meilleur service possible, et au moins ne pas leur faire du mal”.
Il est nécessaire aussi que le médiateur soit en capacité de travailler avec les acteurs judiciaires, tout en respectant notamment la confidentialité de la médiation.
La Médiation Familiale et le Juge aux Affaires Familiales
La médiation familiale est un mode d’accompagnement qui s’adresse aux familles, plus précisément aux parents en conflit, afin:
– d’une part, de pouvoir retrouver, renouer une communication dans le but d’exercer très concrètement les responsabilités inhérentes à leurs fonctions conjugales et/ou parentales,
– d’autre part, de rechercher des accords après la séparation.
La médiation familiale est un “outil” qui a un double objectif:
– la reprise d’un dialogue parental et,
– la recherche d’accords.
Les quatre grands principes de la médiation familiale sont les suivants:
– le consentement des parties est nécessaire. Il s’agit d’un processus volontaire,
– la confidentialité: tout ce qui se dit dans le cadre de la médiation est confidentiel et ne peut pas être utilisé à l’extérieur du processus,
– le médiateur familial ne propose pas de solutions aux parties, il est “un facilitateur” de dialogue , “un passeur de parole”,
– à la fin du processus, le médiateur familial n’établit pas de rapport au jaf, il aide les parties, le cas échéant, à rédiger leurs accords qu’elles soumettront préalablement à leurs avocats, puis pour homologation au juge aux affaires familiales.
Ces quatre grands principes constituent toute la spécificité et toute la force de la médiation familiale, mais aussi la difficulté de son application.
La réussite de la médiation familiale ne se résume pas à la concrétisation d’accords écrits. La reprise de dialogue, de manière à éviter la rupture du lien entre les parents, représente l’objectif majeur.
Le dialogue est la base d’une séparation réussie. Il convient de partir du principe qu’à partir du moment où les parties dialoguent et se respectent, un grand pas est fait pour trouver des solutions satisfaisantes pour tous, ou à tout le moins pour que les décisions prises par le jaf soient mieux respectées, mieux acceptées et mieux vécues, et ce dans l’intérêt des enfants et de leurs parents.
En encourageant le recours à la médiation familiale, la loi sur l’autorité parentale et celle sur le divorce proposent aux parents et aux jafs une autre logique de règlement des conflits, celle du dialogue, de la communication parentale, de la reconnaissance de l’autre, de la responsabilité face aux prises de décision qui engagent la famille, notamment les enfants.
En matière familiale, il est important que les parties soient en capacité de trouver des accords, mais ceux-ci, très souvent, constituent “la cerise sur le gâteau”. L’objectif le plus difficile et le plus important réside dans le fait que les parents soient capables de dialoguer, de se respecter, de se reconnaître en tant que parents, c’est à dire d’accepter et de vivre le mieux possible la séparation.
Le dialogue et la communication sont les bases d’une séparation réussie.
La médiation familiale et les autres modes alternatifs de règlement des litiges
Il est important de ne pas faire de confusion entre la médiation familiale et les autres modes alternatifs de règlement des litiges, la médiation familiale étant, d’ailleurs, plus un mode alternatif de gestion des conflits que de règlement:
– La conciliation: dans son rôle de conciliateur, le juge essaie d’apaiser le litige et propose aux parties des solutions. L’acteur principal est le juge.
– la négociation: l’avocat, dans son rôle de négociateur, propose aux parties des solutions. L’acteur principal est l’avocat,
– le droit collaboratif: dans ce processus, il n’y a pas de médiateur, mais les avocats se réunissent, avec les parties, pour tenter de trouver une solution amiable au litige. Les acteurs principaux sont les avocats.
– la médiation familiale: les parties essaient de travailler sur elles mêmes pour arriver à trouver des solutions. Le médiateur familial n’est ni un conciliateur, ni un négociateur, il n’a aucun rôle de conseil ou de décideur. Il accompagne. Les acteurs principaux sont les parties elles mêmes.
Deux postulats de départ concernant la médiation familiale
La médiation n’est pas la panacée. Elle ne constitue pas la recette à toutes les situations.
Elle a, elle même, ses limites.
Dans les juridictions où elle est utilisée, en bonne intelligence par tous les acteurs judiciaires, elle représente entre 10 et 15 % du contentieux familial. La sociologue Irène THERY avait précisé en 2002 lors du vote de la loi sur l’autorité parentale qu’ elle devrait concerner au maximum 15 % des procédures.
Il est important d’insister sur le travail que font nombre d’avocats pour pacifier les séparations et faire prendre conscience aux parents de l’impact sur les enfants d’une séparation conflictuelle.
Pour 85% des séparations en moyenne, la médiation familiale ne paraît pas indispensable, même si, dans nombre de situations, elle pourrait être utile afin de permettre un accompagnement des couples.
Mais, la médiation ne peut fonctionner activement que dans le cadre d’un partenariat entre tous les acteurs judiciaires (juges, avocats, notaires, greffiers et médiateurs familiaux). Dans un ressort judiciaire, pour une mise en place efficace, la médiation familiale “se travaille”, elle “ne se décrète pas”.
Le juge n’ordonne pas une médiation familiale, comme il ordonne une enquête sociale ou une expertise.
La mise en place – la “mise en musique” de la médiation familiale
Comment convaincre les parties, et leurs avocats, dans nombre de situations conflictuelles, à accepter un processus de médiation familiale, alors qu’elles ne souhaitent très souvent qu’une seule chose, ne plus se rencontrer, ne plus se parler et que parfois elles se haïssent:
– en amont de l’audience, il est opportun que l’avocat présente, dans son cabinet, à chacun des parents, la médiation familiale, et en tout cas leur précise que le juge sera susceptible de la leur proposer ou de les enjoindre à rencontrer un médiateur familial.
Maître Louis SAYN URPAR, Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Tarascon précise:
“Avec la médiation familiale, le justiciable va participer à la décision et le travail de l’avocat sera allégé. L’avocat se consacrera à l’essentiel, c’est à dire au conseil et à la mise en forme juridique”.
– A l’audience, le comportement du jaf est primordial (écoute, apaisement, mise en place d’un début de communication sans violence).
Au cours des débats, le jaf doit rappeler aux parents qu’il leur appartient en tant que parents de bien séparer le conjugal du parental et que l’enfant doit être protégé au maximum de leur conflit d’adultes.
Pour faire accepter une mesure de médiation familiale, il est certain que la motivation de la décision et le dispositif sont primordiaux. Il est important notamment :
– d’ utiliser à bon escient la résidence alternée. La résidence alternée n’est pas du 50/50. Elle est un partage du temps de l’enfant égalitaire, mais pas forcément paritaire. Elle a le mérite de placer les parents sur un vrai pied d’égalité et elle peut les amener à se rendre en médiation familiale beaucoup plus facilement.
La résidence alternée, à partir du moment où elle est imposée à l’une des deux parties ou aux deux peut permettre au juge aux affaires familiales de les revoir, dans un délai en général fixé à 6 mois, au cours duquel les parents travailleront en médiation, et ce en application de l’article 373-2-9 2ème al. du code civil qui dispose:
“A la demande de l’un des parents, ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux”.
– de ne plus parler de droit de visite et d’hébergement, mais d’utiliser la notion de période de résidence ou de temps de résidence, pour celui qui n’a pas la résidence principale de l’enfant; et ce conformément à l’esprit de la loi de 2002 sur l’autorité parentale.
Pour respecter la coparentalité, les termes employés ont toute leur signification.
– de faire en sorte que la décision ne fasse ni gagnant, ni perdant de manière à ce que les parents soient en capacité d’engager un processus de médiation familiale, même s’il convient de reconnaître que dans certaines situations, c’est difficile.
– dans la motivation et le dispositif de la décision, de dire ce que représente l’autorité parentale et de rappeler les droits et devoirs de chacun des parents:
“Dit que l’autorité parentale sur l’enfant mineur sera exercée en commun par les parents,
Dit qu’à cet effet, les parents devront:
– prendre ensemble les décisions importantes notamment en ce qui concerne la santé, la scolarité, l’éducation religieuse et le changement de résidence,
– s’informer réciproquement, dans le souci d’une indispensable communication entre parents, sur l’organisation de la vie de l’enfant (vie scolaire, sportive et culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances, etc..),
– permettre les échanges de l’enfant avec l’autre parent dans le respect du cadre de vie de chacun.
Rappelle que chacun des parents doit respecter les liens de l’enfant avec l’autre parent et que tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent afin qu’en cas de désaccord, le parent le plus diligent puisse saisir le juge aux affaires familiales”.
La coparentalité est une nécessité pour l’enfant et une exigence de la société.
– de rappeler aux parents les conséquences néfastes d’un conflit parental sur leur enfant.
– de faire comprendre aux parents les limites du judiciaire, l’aléa judiciaire et la réelle capacité destructrice de la machine judiciaire.
Le juge doit amener les parents à réfléchir à la question de savoir si le système judiciaire est réellement en capacité de défendre l’intérêt de l’enfant.
Force est de constater que l’avenir d’un dossier “se joue” très souvent à:
La première décision rendue par le Juge aux affaires familiales.
La première décision, quand existe un conflit parental, est un acte essentiel qui peut être lourd de conséquences.
Souvent, le juge aux affaires familiales produit des décisions trop stéréotypées et fait du “pilotage automatique”.
Le juge a le devoir d’appliquer la loi, il doit veiller à l’égalité parentale, sauf situations relativement rares. Il ne peut pas y avoir un parent principal et un parent secondaire. Il ne peut pas y avoir un parent tout puissant et un parent faible. Le juge doit notamment travailler sur la résidence des enfants, il doit faire en sorte de ne pas mettre un parent en situation de toute puissance, parce qu’il a “la garde”, c’est à dire qu’il devient le parent du quotidien, le “propriétaire” de l’enfant, la parent principal, le parent prépondérant.
Le juge doit éviter de mettre en place la prééminence d’un parent sur l’autre, une inégalité parentale. Le juge doit éviter d’installer la domination de l’un sur l’autre au mépris de la coparentalité.
Le juge doit aussi travailler sur la responsabilité des parents, sur la responsabilisation des parents, sur l’égalité parentale, sur l’équilibre parental, sur le respect mutuel parental et sur le dialogue parental.
Pour encourager les parents à se rendre en médiation familiale, le juge ne doit faire ni du“pilotage automatique”, ni du “prêt à porter”, ni prendre des mesures stéréotypées.
La différence entre conflit et litige:
Pour bien comprendre l’importance de la médiation dans le contentieux familial, il est indispensable de faire la différence entre le conflit et le litige.
Le litige est la problématique soumise au juge. C’est la contestation, le différend qui lui sont soumis pour qu’il y apporte une réponse juridique.
Le conflit correspond à tout ce qui est autour et sous le litige. Il est caractérisé par la souffrance des personnes, les non-dits, la blessure narcissique de la séparation, le vécu passé plus ou moins difficile, etc…. Le conflit est représenté par tout ce qui oppose les parents dans la réalité de leur vie et qui est parfois caché. Le plus souvent, les litiges à répétition sont des symptômes d’un conflit enkysté.
La justice règle des litiges, en apportant des réponses de l’extérieur, sans pour autant résoudre les conflits de l’intérieur.
Ainsi, dans une espèce, un père demande la suppression de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, il s’agit du litige soumis au juge. En réalité, le litige présenté au juge ne constitue qu’une partie émergée du vrai problème. Le père ne voit plus son enfant depuis de nombreux mois et ne souhaite plus payer la contribution alimentaire. Le conflit demeure entre les parents.
La médiation familiale est un travail sur la relation.
Comme le dit Anne BERARD, vice présidente au tribunal de grande instance de Paris:
“Faire de bons jugements, bien motivés, ce n’est pas forcément, notamment en matière familiale, rendre une bonne justice.
Ce n’est pour finir que traiter la surface des choses, confondre le litige avec le conflit. Or, le conflit ne s’éteint pas avec le litige.
La justice ne fait oeuvre utile que lorsqu’elle devient inutile. Et, elle le devient quand ce n’est pas le juge, mais les parties elles mêmes qui parviennent à régler ensemble leur conflit.
C’est tout l’apport essentiel de la médiation familiale dans le processus judiciaire”.
Il est indéniable que ce n’est pas parce que le juge aura apporté une solution au litige, qu’il apportera une réponse au conflit, qui risque de perdurer et d’empêcher une bonne application de la décision.
Trop souvent, les acteurs judiciaires opèrent à contre sens..
Un architecte élabore des plans avant de construire une maison. Il construira les fondations avant d’envisager la construction du toit.
Un chirurgien ne peut pas envisager une opération sans diagnostic préalable.
Or, dans nombre de situations, et notamment dans le cadre des divorces par consentement mutuel, , les acteurs judiciaires mettent “un couvercle” sur le conflit et apportent une réponse au litige. Les acteurs mettent “la charrue avant les boeufs”. Ils règlent le litige sans avoir tenter de solutionner le conflit, qui s’enkystera voire s’aggravera.
“Le litige est une traduction du conflit sur la scène judiciaire; il va y être épuré de sa subjectivité pour y être objectivé. A trop se concentrer sur le litige, le conflit pourrait rester tapi dans l’ombre”.
Claire DENIS médiatrice familiale.
La décision prise par le juge aux affaires familiales peut être excellente, mais elle sera difficile à appliquer, si les parents demeurent en conflit.
La solution donnée par le juge au litige apportera rarement une solution au conflit, au mieux elle l’apaisera, alors que parallèlement, le règlement du conflit peut aider à régler le litige.
Malheureusement, la justice familiale prend trop souvent les problèmes à l’envers. Le juge s’empare du litige, y apporte une réponse et pense que de cette manière, le conflit sera gèré.
La réalité démontre qu’il est nécessaire, pour une bonne réponse judiciaire, de fonctionner de manière inverse, et c’est en cela que la médiation familiale, voulue par le législateur, remplit un rôle fondamental.
Les résultats de la médiation familiale
Quand “un esprit médiation” existe dans un ressort judiciaire avec un président de juridiction, des juges affaires familiales et des greffiers motivés qui travaillent en partenariat étroit et intelligent en compagnie de tous les acteurs judiciaires -avocats, notaires, médiateurs familiaux – des résultats très significatifs et très protecteurs des couples qui se séparent et de leurs enfants peuvent être constatés:
– une pacification globale du contentieux des affaires familiales et une simplification des procédures. En effet, les parties en médiation familiale sont obligées de se questionner et après avoir évacué l’abcès du conjugal, avoir exprimé leurs rancoeurs, sont capables pour la plupart d’entre elles, d’aborder en bonne intelligence et en bonne entente, le parental et le patrimonial, de ne réfléchir qu’à l’intérêt de l’enfant, et d’envisager de manière positive les conséquences de la séparation.
De plus, la médiation familiale a une incidence directe sur les avocats d’un ressort. Son utilisation par les juges aux affaires familiales amènent les avocats à encourager “leurs clients” à engager des procédure apaisées et consensuelles.
– une raréfaction des procédures de divorce pour “faute”. La “faute”, les “fautes” sont parlées dans le cadre confidentiel de la médiation familiale, sauf bien entendu dans les situations de faute “d’une exceptionnelle gravité”, telles que des violences conjugales structurelles.
– une protection des enfants trop souvent victimes des séparations conflictuelles, avec un corollaire une diminution très sensible des demandes d’audition d’enfants. Pourquoi un enfant demanderait il à être entendu alors que ses parents dialoguent et qu’une communication parentale réelle existe ?
– une rapidité du traitement des procédures familiales, en raison de la simplification des contentieux. En effet, l’esprit engendré par l’application de la médiation familiale dans une juridiction, simplifie le travail des avocats, des notaires, des juges aux affaires familiales et des greffiers, et entraîne de facto un recours accru aux procédures consensuelles.
– une adynamie des procédures d’appel. Il est démontré que dans les juridictions qui utilisent la médiation familiale, le taux d’appel est très faible, voire résiduel. Il est en tout état de cause sans proportion avec celui des juridictions qui n’utilisent pas ce mode d’accompagnement en partenariat avec les acteurs judiciaires.
– une bonne application des décisions du juge aux affaires familiales avec une réduction très sensible du nombre des procédures en instances modificatives.
Dans l’immense majorité des situations, à partir du moment où les parents dialoguent, tout est possible. Si les parents se respectent, même s’ils n’ont pas pu trouver par eux mêmes des solutions, un grand pas est réalisé pour trouver des solutions satisfaisantes pour tous, ou à tout le moins, pour que les décisions prises par le juge aux affaires familiales soient mieux acceptées et mieux vécues.
Comme le dit Fabienne ALLARD, juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Tarascon:
“La systématisation du recours à cet outil contribue à réguler l’importance du contentieux familial, puisque son objectif ultime est de permettre aux parents de se passer du juge, quand il n’est pas obligatoire (on constate d’ailleurs que de plus en plus de justiciables ont recours à la médiation familiale avant même d’envisager le recours aux juges)”.
– une meilleure gestion quantitative des dossiers traités par les juges aux affaires familiales. La moyenne nationale de traitement par juge aux affaires familiales est de 1000 à 1200 dossiers par an. Quand la médiation familiale est utilisée, la moyenne est de 1500 dossiers.
– statistiquement, en moyenne, l’utilisation de la médiation familiale aboutit à des accords écrits soumis à homologation pour un tiers des dossiers. Un autre tiers permet d’obtenir des accords verbaux mais avec des points de désaccords. Le dernier tiers est constitué de non accords. Mais, le résultat majeur réside dans le fait que pour 90 % des dossiers, les parents ont repris un minimum de dialogue permettant une séparation en bonne intelligence, en parents responsables.
A l’évidence, la médiation familiale, qui est un autre mode de penser les êtres et leurs relations, simplifie le travail des juges, des avocats et des notaires, et adoucit les procédures familiales et les audiences.
Conclusion:
La médiation familiale permet aux parents qui se séparent dans le conflit d’apporter cette part d’humain et de coeur nécessaire aux séparations, et notamment aux enfants qui sont trop souvent victimes des conflits parentaux.
Comme le dit maître Agnès DALBIN, avocat, dans un livre “Les secrets d’un divorce réussi”:
“J’ai trouvé dans l’utilisation de la médiation familiale le moyen de pallier toutes les carences du système judiciaire en matière familial”.
Comme tout outil, la médiation familiale a ses limites, mais quand elle a droit de cité dans une juridiction, un réel progrès est constaté pour les couples qui se séparent dans la difficulté et pour les enfants qui sont la vraie richesse du monde.
Elle permet un réel changement de culture.
Elle permet de passer d’une culture du conflit à une culture du dialogue et de l’apaisement, mais surtout à une culture du mieux être pour les parents et leurs enfants.
Tout juge aux affaires familiales a pour devoir de protéger l’enfant des conséquences des séparations et l’expérience démontre que la médiation familiale insérée dans le code civil est un outil précieux pour y arriver.
La parole donnée à trois justiciables:
– “J’ai participé très récemment à une médiation familiale, pour un souci de garde partagée.
Un peu rétif au départ, j’en avoue aujourd’hui toute l’efficacité. Pour ma part, je trouve cette solution, bien plus “intelligente” que d’être convoqué par un juge qui n’a pas vraiment le temps de faire correctement son métier (concernant bien sûr ce type d’affaires).
Elle permet par ailleurs une véritable communication et compréhension entre les protagonistes qui peuvent trouver, eux mêmes, la solution à leurs problèmes. En cela, simplement, c’est certainement plus profitable, celle ci ne semblant plus être imposée, mais au contraire dictée par le bon sens, s’il se peut, des principaux responsables de la situation.
Rétablir la communication, surtout dans le cas des couples avec enfants, est la meilleure des choses à faire pour envisager leur éducation et leur bien être, et ainsi les amener à envisager un devenir serein et heureux”.
– “ Je me permets, par la présente, d’affirmer que la médiation familiale qui nous a été imposée par le magistrat instructeur dans notre dossier en instance de divorce a été très bénéfique pour renouer le dialogue complètement rompu entre mon ex épouse et moi même.
La compétence, la disponibilité et la psychologie des personnes qui ont en charge cette médiation (en l’occurrence pour nous Résonances) nous ont permis de prendre de la distance et de dissocier nos problèmes personnels d’adultes pour trouver des solutions à la gestion de la situation en prenant, en particulier et principalement en compte l’avenir des enfants.
La totalité des problèmes a été évoquée par ordre d’importance définis par nous et nous avons essayé de les régler dans un état d’esprit positif, aidés en cela par la médiatrice, sans qui, il n’aurait pas pu exister de dialogue. Tout simplement parce que la tension était trop vive et qu’il faut une tierce personne pour toujours réorienter les débats et éviter que tout cela dégénère en bataille verbale et stérile.
Je pense aussi que la qualification de la personne qui joue ce rôle de médiateur est un des principaux atouts de réussite et qu’il lui est nécessaire d’avoir une formation adéquate pour réussir à jouer ce rôle. Ce fut le cas pour moi.”.
– “ Dans le différend qui m’opposait à mon ex épouse, je n’avais pas d’idée préconçue de la manière dont la justice donnerait suite à ma requête. La proposition du juge d’examiner notre contentieux familial par l’intermédiaire d’une médiation familiale s’est révèlée efficace.
Sur le fond nous, les deux parties, sommes assez vite parvenus à une entente que je juge, encore aujourd’hui, deux ans plus tard, satisfaisante, avec le sentiment que personne ne l’a emporté sur l’autre.
Sur la forme, et ce n’était pas vraiment prévu, la qualité d’écoute de la médiatrice familiale, sa façon “amicale” d’amener ma compagne ou moi même à dire des choses difficiles, m’ont apporté un apaisement résultant de l’impression que je n’étais plus nié dans ma fonction de père. J’en avais alors besoin.
Il me paraît que cette procédure d’examen des situations conflictuelles lève avantageusement des blocages et des crispations préjudiciables à une bonne justice. Elle aurait tout intérêt à être étendue à d’autres juridictions.”
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La médiation familiale relève d’une conception moderne de la justice. Les magistrats et les avocats doivent entendre cette nouveauté et la faire vivre. Elle donne la possibilité aux citoyens, quelles que soient leurs difficultés, d’être acteurs de leur propre vie.
Elle est le ferment, le germe et la source d’une culture de paix familiale et sociale, et l’enfant en est le grand gagnant.
Marc JUSTON