Introduction:
La loi du 4 mars 2002 a instauré des mesures propres à permettre réellement aux deux parents, en cas de séparation, de participer à l’éducation de leur enfant.
L’article 373-2-9 du code civil admet la possibilité de fixer la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents. Le juge aux affaires familiales peut aussi, à la demande de l’un des parents, ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, ordonner la résidence alternée, à titre provisoire pour une durée déterminée. Au delà de la période probatoire, le juge aux affaires familiales statue définitivement sur la résidence de l’enfant, en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
En faisant entrer la résidence alternée dans le code civil, le législateur a voulu :
– favoriser un partage moins inégalitaire du temps passé par l’enfant auprès de chacun de ses parents,
– et en finir avec des formules standard qui figeaient de manière sûre l’inégalité des rôles, réservant au père le classique « une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires », et laissant à la mère la lourde charge de toute la semaine.
En légalisant la résidence alternée, le législateur n’a pas voulu remplacer un standard par un autre. La résidence alternée n’est pas “la garde” d’un enfant une semaine sur deux. Elle consiste en un partage pas forcément paritaire de l’hébergement de l’enfant.
Le législateur n’a toutefois pas précisé les conditions dans lesquelles une résidence alternée peut et doit être envisagée.
Le juge aux affaires familiales et la résidence alternée:
La pratique de la résidence alternée par un juge aux affaires familiales doit partir de deux idées simples :
la résidence alternée doit permettre de sortir du schéma classique « une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires » pour le parent qui n’a pas la résidence de l’enfant et d’équilibrer le temps passé par l’enfant avec chacun de ses parents, et ce dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Quand les parties sont d’accord sur une résidence alternée, le juge aux affaires familiales peut l’ordonner, après avoir entendu les parents séparément sur ses modalités. Il est exceptionnel que le juge n’entérine pas leur accord. Toutefois, le juge aux affaires familiales doit toujours attirer leur attention sur le fait que la résidence alternée est prévue dans l’intérêt de l’enfant et non pas du leur, et qu’elle impose de leur part un dialogue réciproque constructif.
Quand une partie sollicite une résidence alternée et que l’autre n’est pas d’accord, et que le juge aux affaires familiales se trouve manifestement en présence « d’un bon père, d’une bonne mère », le juge doit les entendre séparément afin de connaître :
– la manière dont étaient élevés les enfants pendant la vie commune,
– qui s’en occupait,
– qui les accompagnait à l’école ou pour les activités sportives ou ludiques,
– qui les aidait dans le travail scolaire,
– les horaires de travail de chacun et la manière dont chaque parent envisage la résidence alternée par rapport à l’enfant. L’audition de chaque partie de manière séparée est primordiale. Elle permet de faire des recoupements et d’avoir une idée utile sur la vie des enfants et de chacun des parents, mais aussi de la conception que chacun d’eux peut avoir de la résidence en alternance.
Pour sa prise de décision, le juge aux affaires familiales doit partir du principe qu’il n’est pas normal qu’un père qui a créé une relation positive avec ses enfants, en soit privé, alors qu’il est prêt à s’en occuper, et ce parce qu’il ne s’entend plus avec la mère. Il n’est pas normal, surtout, d’en priver l’ enfant.
Sauf s’il y a contre indication manifeste pour l’enfant, le juge aux affaires familiales a la possibilité d’ordonner une résidence alternée pour une période provisoire. Et parallèlement, il est opportun, soit d’ordonner une mesure de médiation familiale si les parties sont d’accord, soit d’enjoindre les parents à rencontrer un médiateur familial pour engager un processus de médiation familiale.
Un certain nombre de mères qui se voient imposer une résidence alternée, vivent ce type de décision très difficilement..
Mais cette souffrance passée, les mères, très souvent conseillées par leur avocat, acceptent la plupart du temps d’entrer dans le processus de médiation. Et l’expérience démontre que la résidence alternée, que l’on peut appeler au « forceps », accompagnée d’une mesure de médiation familiale, est celle qui, en règle générale, va se dérouler le mieux. Les parties en médiation familiale sont obligées de se questionner. A la limite, les parents qui travaillent en médiation, se posent très souvent plus de questions que des parents qui vivent ensemble. Et les parents, après avoir évacué et vidé l’abcès du conjugal, sont capables, pour la plupart d’entre eux, d’aborder en bonne intelligence le parental et de ne réfléchir qu’à l’intérêt de l’enfant.
Après la médiation familiale, soit les parents sont en capacité de trouver un accord sur les modalités d’organisation de la vie de l’enfant, qui peut, bien entendu, être un autre mode de fonctionnement que la résidence alternée; soit ils ne sont pas d’accord entre eux. Et il appartient au juge aux affaires familiales de dire, si dans l’intérêt de l’enfant, il est opportun de maintenir la résidence alternée ou de rechercher un autre mode de résidence.
Les avantages de la résidence alternée:
La résidence alternée est le principal facteur de la co-parentalité en cas de séparation. Elle doit être conçue comme un moyen de maintenir et renforcer la co-parentalité, de respecter le droit de chacun des parents à élever son enfant, et de permettre que l’éducation ne soit pas le monopole d’un des deux parents.
La résidence alternée a manifestement un effet libérateur et formateur de l’idée d’égalité parentale dans l’éducation des enfants. La résidence alternée a transformé le regard des pères et des mères sur leurs droits par rapport à l’enfant en cas de séparation. Elle s’inscrit aussi dans la logique de la parité père-mère par la redistribution des rôles, le rééquilibrage des responsabilités entre les hommes et les femmes, et ce au bénéfice de toute la situation familiale, et notamment des enfants.
N’est-il pas préférable pour l’équilibre de l’enfant de pouvoir continuer à être élevé par ses deux parents, et d’avoir avec eux des relations équilibrées ?
et ce, bien entendu, tout en lui permettant de fréquenter une seule école, de poursuivre l’ensemble de ses activités sportives et culturelles, et de continuer à fréquenter ses amis et ses copains.
L’enfant a un droit à la co-parentalité, les parents doivent faire en sorte que celle-ci soit effective. Il importe avant tout, de permettre à l’enfant de bénéficier de l’éducation, des repères et des sécurités nécessaires à son développement et à la conquête progressive de son autonomie.
L’inscription dans la loi de la résidence alternée a eu pour la plupart des parents une vertu pédagogique, en ce sens que les parents comprennent qu’il est nécessaire, pour le seul intérêt de l’enfant, qu’il conserve un lien fort avec chacun de ses parents. Les esprits semblent avoir beaucoup évolué sur ce point.
Conclusion:
La résidence alternée ne doit toutefois pas être un dogme à atteindre dans chaque situation de séparation familiale.
Ce qui doit importer, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il est important aussi que la loi donne la possibilité aux parents de pratiquer du « sur mesure » et non pas du « prêt à porter ». Chaque enfant doit être considéré comme un enfant particulier, comme un enfant unique.
A partir d’une loi qui place sur un plan d’égalité le père et la mère, il est essentiel que les parents responsables partent de l’intérêt de l’enfant, du seul intérêt de l’enfant, et non pas de leur intérêt, non pas de l’intérêt des parents, et bâtissent une vie pour l’enfant, une vie appropriée, propre à l’enfant, une vie qui tient compte des besoins de l’enfant, de ses aspirations, de son développement et de sa personnalité.
Le divorce, la séparation, ne signifient pas la dissolution de la famille, mais plutôt sa réorganisation, sa recomposition. L’intérêt de l’enfant doit être le seul fil conducteur.
Le couple n’est certes plus mari et femme, mais demeure père et mère.
Les conjoints se quittent. Ils restent néanmoins des parents; et pour qu’il y ait une résidence alternée positive, il est nécessaire qu’il y ait apposition des parents à l’enfant, et non pas une opposition entre les parents.
Ils continuent à être des parents à deux, c’est la co-parentalité.
Et, très souvent, la médiation familiale a pour but d’accompagner cette réorganisation familiale.
Juger d’une demande de résidence alternée n’est en effet pas chose facile dans le cadre d’un contentieux familial.
Le juge aux affaires familiales est en permanence avec son balancier, en présence d’une double problématique :
– comment faire de l’égalité formelle entre le père et la mère, une égalité réelle, comment mettre en place l’exercice concret de la co-parentalité, comment mettre en place la résidence alternée ?
et
– comment concilier les droits et devoirs de chacun des parents, avec l’ intérêt supérieur de l’enfant ?
C’est le difficile challenge de la justice familiale et du juge aux affaires familiales, qui doit appliquer la règle de droit avec humanisme, et qui doit toujours essayer de comprendre l’intérêt de l’enfant avant de juger.
Marc JUSTON